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Les enjeux de la transition écologique de la mobilité décartonnée des ménages
Malgré des mesures de soutien public importantes et coûteuses pour les finances publiques, les véhicules électriques n'ont représenté que 10 % des ventes de véhicules neufs en 2021, alors que l'objectif est d'atteindre 100 % en 2035.
Pourquoi ? Les subventions à l'achat sont-elles insuffisantes, ou d'autres facteurs entrent-ils en ligne de compte ?
Les mesures d'aide à l'achat combinent subventions (prime à la conversion en l'échange de la mise au rebut d'un véhicule ancien polluant, bonus écologique pour l'achat d'un véhicule propre, etc.), malus sur les émissions de CO2 ou le poids des véhicules et microcrédit « véhicules propres » (pour les ménages modestes).
La lutte contre la pollution atmosphérique dans les zones urbaines a mené à la mise en place d'interdictions de circulation dans le périmètre de zones à faibles émissions (ZFE).
La note de France Stratégie tente d'apporter des éléments de réponse à partir d'une analyse détaillée de l'impact des aides sur la rentabilité relative de la voiture électrique, selon les modèles et les types de ménages.
À l'usage, un véhicule électrique est moins onéreux qu'un véhicule thermique (même avec des prix élevés de l'électricité), mais le surcoût à l'achat este important.
Selon les véhicules et les ménages, les dispositifs de subventions à l'achat en vigueur considérés (bonus écologique, prime à la conversion, aide à l'installation d'une borne de recharge et taxe malus sur les émissions de CO2) compensent 50 % à 100 % du surcoût de la voiture électrique par rapport à un véhicule thermique.
Le surcoût à l'achat d'un véhicule électrique du segment B (voitures dites « citadines ») est de 16 000 euros. Ce surcoût est en partie compensé par les subventions au passage à l'électrique (8 800 euros), le gain à l'usage (1 200 euros par an) et à la revente (en supposant que les véhicules électriques et thermiques se dévalorisent au même taux de décote, ce qui est loin d'être acquis du fait de la durée de vie des batteries haute tension pour un usage automobile estimée à 10 ans).
À l'usage, le véhicule électrique est moins coûteux pour un ménage (économie de l'ordre de 1 200 euros par an en tenant compte de l'entretien et de la facture énergétique pour un véhicule du segment B). L'ampleur des gains à la revente dépendra de l'évolution de la valeur résiduelle des véhicules électriques ou thermiques. Celle des véhicules à moteur thermique peut être amenée à baisser à mesure que des restrictions de circulation se développent, ou encore selon l'évolution des prix des carburants. L'incertitude demeure sur l'évolution de la valeur résiduelle des voitures électriques, ce qui rend difficile l'affirmation d'une différence de décote entre motorisations : même s'il semble que ces dernières se détériorent plus lentement que les véhicules thermiques, elles pourraient subir une décote plus importante en cas de progrès technique rapide, notamment sur l'autonomie des batteries. Symétriquement, le prix des voitures thermiques d'occasion pourrait être accru suite à leur interdiction de vente à partir de 2035.
Le surcoût à l'achat peut être ramené à environ 7 200 euros avec les aides.
Pour un ménage intermédiaire ou aisé, le surcoût à l'investissement d'un véhicule de segment B électrique par rapport à un véhicule thermique équivalent demeure important, même en tenant compte des aides en vigueur.
Parmi les dispositifs considérés, seule la prime à la conversion prévoit un renforcement spécifique selon le revenu fiscal de référence annuel par part pour l'achat d'un véhicule électrique (jusqu'à 5 000 euros pour les ménages très modestes, ce qui reste moins élevé que le bonus écologique, contre 2 500 euros sinon). En outre, les ménages modestes et très modestes bénéficient d'une prime pour les véhicules thermiques les moins polluants. Néanmoins, même avec les aides, le passage à l'électrique demeure peu accessible pour de nombreux ménages. Par exemple, pour un véhicule électrique de segment B, le surcoût à l'achat reste d'environ 8 000 euros par rapport à un véhicule thermique du même segment, et l'investissement total avec aides de presque 25 000 euros.
Le surcoût de 10 000 euros estimé entre les SUV du segment C électrique et thermique est presque entièrement compensé (660 euros) par le bonus écologique de 6 000 euros, la prime à la conversion de 2 500 euros, l'aide à l'installation d'une borne de recharge de 300 euros et la taxe malus
La rentabilité du choix d'un véhicule électrique, relativement à un véhicule thermique, est immédiate pour un modèle d'entrée de gamme acheté par un ménage très modeste, ou pour un SUV C pour l'ensemble des ménages.
Les calculs sont réalisés en supposant une revente du véhicule électrique au bout de six ans. Cela correspond à la durée moyenne de détention d»un véhicule en France. Cette durée peut varier avec le revenu : huit ans pour les ménages modestes quand la voiture a été achetée neuve, contre en moyenne sept ans.
Sans actualiser les gains futurs, le surcoût à l'investissement pour un véhicule électrique du segment B par rapport à un véhicule thermique équivalent par les gains à l'usage au bout de treize ans en l'absence d'aides, ramené à moins de six ans en tenant compte des aides en vigueur.
Si les coûts totaux actualisés sur la durée de possession des véhicules neufs étudiés sont favorables à la motorisation électrique avec les aides en vigueur, le contexte d'inflation actuelle peut affecter ces résultats.
L'Insee estime que la hausse des tarifs de l'électricité pour les ménages a été contenue à 4,5 % contre 37 % sans bouclier entre les deuxièmes trimestres 2021 et 20221 ; hausse qui pourrait être encore plus importante en 2023, les prix de gros restant très élevés depuis plusieurs mois. En analyse de sensibilité, on étudie l'effet d'une hausse hypothétique du prix de l'électricité de 60 % et 120 % sur les coûts d'usage et les coûts totaux de possession du véhicule. Ces effets sont différenciés selon la gamme du véhicule.
Dans le cas du véhicule de gamme B, le cas électrique reste le plus favorable après une hausse non contenue du prix de l'électricité en termes de coûts d'usage, mais pas en termes de coûts totaux de possession du véhicule.
Dans le cas d'un véhicule de gamme SUV C, la situation la plus défavorable sur les prix de l'électricité ne suffit pas à modifier l'ordre de mérite des options.
La rentabilité est plus longue (six ans) pour l'achat d'une citadine électrique par un ménage non modeste.
Les subventions à l'achat d'un véhicule électrique représentent un coût à la tonne de carbone évitée élevé.
La planification des politiques publiques d'accompagnement des ménages pourrait s'appuyer sur :
- un ciblage plus fin du bonus écologique, notamment en le restreignant aux véhicules électriques de petite taille ;
- un durcissement du malus sur les émissions et sur le poids, avec notamment pour ce dernier son extension aux véhicules électriques ;
- un accompagnement spécifique pour les ménages modestes, surtout positionnés sur le marché de l'occasion où l'offre électrique est limitée (par exemple par des formules de leasing) ;
- un cadrage des anticipations sur le prix de l'électricité et la disponibilité des réseaux de recharges, l'incertitude pouvant être un frein contrecarrant les incitations financières, comme le montre la part de l'électrique dans les ventes, qui aujourd'hui n'est pas à la hauteur de sa rentabilité relative.
Enfin, le durcissement des zones à faibles émissions (ZFE) programmé dans les prochaines années nécessite un accompagnement renforcé pour les ménages qui seront contraints dans l'utilisation de leur voiture dans les métropoles concernées.
Source : France Stratégie note d'analyse 115 (NA 115) - Voiture électrique : à quel coût ? - Novembre 2022
Image par Paul Brennan de Pixabay